On se doutait depuis longtemps que l’alimentation jouait un grand rôle sur la santé , les Crétois en sont la démonstration la plus éclatante : grâce à leur régime alimentaire, ils présentent très peu de maladies cardio-vasculaires et vivent longtemps.
Une mortalité réduite
Une étude publiée en 1986 par A. Keys plongea la communauté scientifique dans le plus grand étonnement. Comparant sept pays, elle concluait en effet que le taux de mortalité par maladie cardio-vasculaire était le plus faible en Crète. A l’inverse, la Finlande, les Etats-Unis atteignaient des sommets en la matière alors que les taux de cholestérol étaient comparables ! Elargissant le débat, on se rendit compte qu’on parvenait aux mêmes conclusions quelle que soit la cause du décès. Autrement dit, les Crétois bénéficiaient d’une protection dont l’origine était inconnue. Les spécialistes envisagèrent alors différentes hypothèses avant de s’arrêter à l’alimentation . Ils venaient de mettre le doigt sur le « régime crétois » : de l’huile d’olive, des poissons (quatre fois par semaine), des légumes et des fruits frais, peu de viande, du fromage de chèvre.
De la Crète à Lyon…
Intrigué, un chercheur français de Lyon, Serge Renaud, lança alors une grande étude en 1990 afin de vérifier l’hypothèse du régime crétois. Il demanda à des patients qui avaient récemment été atteints d’un infarctus du myocarde d’y participer. Il les partagea en deux groupes : l’un suivit le régime habituellement prescrit après un infarctus, l’autre un régime de type crétois. Il fut demandé à ces derniers de réduire leur consommation de viande et de la remplacer, si possible, par du poisson ; d’utiliser de l’huile d’olive et une margarine à base d’huile de colza à la place du beurre et de la crème. Un peu de vin rouge fut également autorisé.
Les résultats furent les suivants : le nombre de problèmes cardiaques était très nettement inférieur dans le groupe qui suivait le régime crétois. Au terme de l’étude, il apparaissait que le nombre de décès était diminué de 70 % par rapport aux patients qui suivaient le régime classique. Le régime crétois avait apporté la preuve de son efficacité.
Comment agit le régime crétois ?
Paradoxalement, les chercheurs constatèrent une baisse comparable du cholestérol chez tous les participants à l’étude lyonnaise. Cela signifie à l’évidence que ce seul facteur ne suffit pas à expliquer l’efficacité du régime. D’autres mécanismes entrent en ligne de compte. On sait aujourd’hui que certaines graisses sont bénéfiques pour l’organisme . Ce sont notamment les acides gras oméga-3 , présents dans l’alimentation crétoise. Ils empêchent la formation des caillots sanguins qui risquent de boucher les artères coronaires et de déclencher un infarctus.
Le régime crétois décortiqué
Différents aliments présents dans le régime crétois concourent à nous protéger.
– Les fruits et légumes : ils apportent de la vitamine C et d’autres substances antioxydantes comme les caroténoïdes (qui donnent aux fruits et légumes leur couleur orangée), les polyphénols… Celles-ci empêchent les radicaux libres, molécules issues des processus d’oxydation qui se produisent dans l’organisme, d’abîmer nos cellules. Elles s’opposent également à la formation de plaques d’athérome (dépôt de graisse) sur la paroi des vaisseaux. Fruits et légumes sont également riches en fibres , qui contribuent à mieux éliminer le mauvais cholestérol (celui qui bouche les artères), en sels minéraux et, pour certains (noix, pourpier, huile de colza), en oméga-3 .
– L’huile d’olive : elle apporte notamment des graisses dites « mono-insaturées » qui diminuent le cholestérol total et augmentent le taux du « bon » cholestérol (nettoyeur des vaisseaux). Elle est également riche en substances antioxydantes.
– Le pain et les légumes secs : riches en fibres, ils abaissent la tension artérielle et le « mauvais » cholestérol. Les protéines qu’ils contiennent ont une action sur l’homocystéine, molécule fabriquée par l’organisme et dangereuse pour le système cardio-vasculaire lorsque son taux est trop élevé.
– Le poisson : les Crétois en consomment régulièrement, dont des sardines et des maquereaux, riches en oméga-3, acides gras qui protègent le cœur.
– La viande : elle apporte des protéines, du fer, de la vitamine B12. L’agneau contient également des oméga-3.
– Les dérivés du lait : les Crétois consomment des laits fermentés et des fromages. Ils leur assurent des apports réguliers en calcium. De plus, les ferments lactiques des laits fermentés agissent favorablement sur le mauvais cholestérol.
– Le vin rouge : deux à trois verres par jour réduisent de près d’un tiers la mortalité cardio-vasculaire, car le vin contient des substances antioxydantes.
Comment adapter le régime crétois à notre alimentation ?
Des modifications simples de nos habitudes alimentaires sont suffisantes. En ce qui concerne les matières grasses, donnez la préférence aux huiles d’olive, de colza et d’arachide (pour la cuisson). Si vous le souhaitez, associez les deux premières dans la sauce de la salade. L’huile de noix est également très intéressante de par sa richesse en oméga-3.
Consommez au moins un légume (cru ou cuit) au déjeuner et au dîner ainsi que deux à trois fruits par jour . Le pain est très important, de même que les légumes secs et les aliments à base de céréales, tel le blé concassé.
Il faut manger de la viande deux à trois fois par semaine en choisissant les moins grasses : faux-filet, rumsteck, poulet sans peau, pintade, lapin. Et du poisson au moins deux fois par semaine , notamment les poissons gras riches en oméga-3 (saumon, sardine, maquereau…).
Côté produits laitiers, il faut réduire la consommation de lait entier, de crèmes lactées ou de fromage blanc . Un à deux yaourts par jour et un morceau de fromage sont tout à fait acceptables.
Enfin, la consommation de vin rouge doit être modérée : deux verres par jour pour une femme, trois pour un homme .
Des recommandations somme toute raisonnables et qui, bien suivies, s’avéreront très profitables.